Exoscopie

BALADE SUR UN GRAIN DE SABLE

« Il suffit de contempler un simple grain de sable, et tu verras en lui toutes les merveilles de la Création. » Paulo Coelho – L’Alchimiste, éditions Anne Carrière, 1995)

CE QU’IL FAUT SAVOIR AVANT LE VOYAGE

LE MICRON

Le micron (officiellement appelé micromètre, ou µm en abrégé) est le millième de millimètre. C’est l’échelle extra-humaine à laquelle nous effectuerons notre voyage, bien éloignée des kilomètres dévorés par les automobilistes sur les autoroutes : un kilomètre contient 1 milliard de microns…
Sur certains clichés de cette rubrique, une barre indique l’échelle en µm. Sur d’autres, seul figure le grandissement. Sachez alors qu’à un grandissement de 1.000 fois un centimètre sur le cliché représente 10 µm, et qu’à un grandissement de 10.000 fois un centimètre représente seulement 1 µm.

 

LE M.E.B. (microscope électronique à balayage)

Le véhicule que nous allons utiliser pour ce voyage est le microscope électronique à balayage. Celui-ci, utilisé depuis le milieu des années 60, permettait en 1970 des grandissements progressifs compris entre 10 fois et 20.000 fois.

MEB en 1971

Photo 1 : MEB en 1971

 

En 2004, on peut atteindre des grandissements de 900.000 fois…

MEB en 2002

Photo 2 : MEB en 2002

 

A un grandissement de vingt mille fois, le diamètre d’un grain de sable d’un millimètre représente vingt mètres, soit une surface de plus d’un kilomètre carré à explorer.
La figure suivante montre une patte de mouche grossie 160 fois. On y distingue nettement les griffes et les ventouses qui permettent aux mouches de grimper à la verticale sur les murs et de se promener sur les plafonds la tête en bas.

Patte de mouche

Photo 3 : Patte de mouche

 

Le principe du M.E.B. est le suivant (1) : Un faisceau d’électrons, finement focalisé et dévié à travers des lentilles électromagnétiques, balaie très rapidement la surface d’un échantillon. Frappée par les électrons primaires, elle émet à son tour des électrons secondaires auxquels on fait produire un effet photo-électrique, d’où une image lumineuse sur écran ou sur plaque photographique.

Principe du MEB

Photo 4 : Principe du MEB

 

L’exploitation des émissions provenant de la surface des échantillons permet non seulement de restituer l’image morphologique de celui-ci, mais aussi d’en fournir l’analyse chimique élémentaire grâce aux spectromètres dispersifs d’énergie qui peuvent être couplés avec le M.E.B (2).

Principe du SDE

Photo 5 : Principe du SDE

 

LE SABLE :

Au sens courant, un sable est un sédiment meuble généralement formé de grains de quartz, qu’on appelle grains de sable.

Sable Sable x 100

Photo 6 : Sable / Photo 7 : Sable x 100

 

La majorité de ceux-ci ont un diamètre compris entre 1/16 de millimètre et 2 millimètres.
Les figures suivantes illustrent l’exploration de la surface d’un grain de sable au M.E.B. : A un grandissement de 100 fois (Figure 8), le grain est entièrement visible. On constate qu’il a une forme arrondie, une surface propre, présente plusieurs dépressions circulaires de grande taille et deux profondes stries horizontales visibles sur la droite du cliché. C’est une de celles-ci, la strie inférieure, que nous allons explorer. Là, à un grandissement de 1.000 fois, apparaît l’ovale d’une diatomée, algue unicellulaire qui est l’un des constituants du plancton (Figure 9). Elle est enfermée dans une coque en silice appelée frustule, finement ornée et formée de deux parties emboîtées. Le grain sur lequel elle repose étant un quartz volcanique, sa surface est en partie recouverte d’une pellicule de verre qui, en refroidissant, s’est emplie de bulles d’air. C’est ce qui explique l’aspect alvéolé du fond de la strie. A un grandissement de 5.000 fois (Figure 10) la diatomée apparaît nichée exactement au fond d’une des anciennes bulles d’air de la pellicule de verre. A 10.000 fois (Figure 11), les moindres détails apparaissent, dont la jonction entre les deux valves du frustule.

Grain de sable x 100 Grain de sable x 1.000 Grain de sable x 5.000 Grain de sable x 10.000

Photo 8 : Grain de sable x 100 / Photo 9 : x 1.000
Photo 10 : x 5.000 / Photo 11 : x 10.000

 

L’EXOSCOPIE DES QUARTZ (3)

Le principe de l’exoscopie des quartz est simple : chaque environnement naturel est caractérisé par un ensemble de facteurs d’origines diverses (physiques (4), chimiques (5), mécaniques (6), biologiques (7)), qui laissent à la surface des grains de quartz des traces de forme et de taille caractéristiques des facteurs qui les ont générées. Lorsque les grains passent d’un environnement à un autre, ces traces sont exploitées de façon spécifique selon les caractéristiques du nouvel environnement.
L’exoscopie est basée sur l’identification puis l’interprétation de 250 caractères de base, sortes de lettres de l’alphabet qui permettent non seulement de déterminer avec précision le milieu de dépôt d’un grain de sable, mais même de retracer l’ensemble de son histoire géologique et, dans certains cas, son origine géographique.
Au cours de notre voyage, nous ne verrons que quelques uns des plus spectaculaires parmi ces caractères. Mais ils vous suffiront pour comprendre que, tout comme pour les êtres humains, il est mathématiquement impossible de trouver deux grains de sable en tous points identiques : tous portent une multitude d’informations spécifiques concernant leur origine et chacun des épisodes de leur existence.

 

LA SOLUBILITE

La solubilité d’un corps est le poids de celui-ci qui se dissout dans une quantité de liquide déterminée.
Chacun sait que, si on plonge un cube de sucre dans une tasse de café, celui-ci va se dissoudre très rapidement, tout simplement parce que le café est sous-saturé en sucre. Autrement dit, le café « boit » le sucre.
Mais si on jette dans la tasse une dizaine de sucres, seuls quelques uns se dissoudront, et les autres, quoique désagrégés, resteront au fond de la tasse : le café est devenu sursaturé en sucre. Au bout d’un certain temps, il redéposera même une partie du sucre qu’il contient en solution sous forme de petits globules.
Ceci est vrai pour tout élément plongé dans un liquide ou lessivé par celui-ci.
Ainsi la solubilité du quartz dans l’eau est-elle comprise entre sept et quinze milligrammes par litre, tandis que celle de la silice amorphe est comprise entre cent quinze et cent quarante milligrammes par litre. Autrement dit, la silice amorphe est beaucoup plus soluble que le quartz, donc se dissoudra beaucoup plus vite.

LA NAISSANCE DU QUARTZ

Au commencement de notre histoire naît le quartz, cristal constitué de silice anhydre, c’est-à-dire sans eau, composée d’un atome de silicium et de deux atomes d’oxygène.
Un cristal, de quelque nature qu’il soit, se construit comme une maison, brique après brique. Les briques sont les molécules qui le constituent, dont l’agencement forme la maille cristalline qui caractérise le cristal. Ainsi le sel de cuisine, le chlorure de sodium, cristallise-t-il dans le système cubique. Le quartz, lui, cristallise dans le système hexagonal.
Imaginons un quartz provenant d’un granite (8). Lorsque le magma, masse pâteuse qui est montée lentement des profondeurs de la terre, se refroidit progressivement, elle donne naissance à divers types de cristaux, essentiellement des micas, des feldspaths et des quartz. Ces derniers, qui sont les derniers à cristalliser, doivent trouver l’espace nécessaire à leur formation entre les autres cristaux déjà bien formés, et leur morphologie s’en ressent : ils sont informes, tordus, contraints de se mouler entre les cristaux plus rapides à cristalliser. On les appelle des cristaux xénomorphes.
Dans une roche volcanique, au contraire, la lave monte rapidement depuis les profondeurs de la terre à l’état de masse pâteuse et chaude, puis se consolide en se refroidissant en surface. Cette fois, les quartz prennent leur revanche et sont les premiers à cristalliser : toute la place leur étant offerte dans le magma qui se refroidit, ils peuvent en toute liberté acquérir de magnifiques formes cristallines, telles que celles des quartz bipyramidés. On les appelle des cristaux automorphes, avec une apparence géométrique parfaite :

Formes cristallines

Photo 12 : Formes cristallines

 

En ce cas, ce sont les autres cristaux qui doivent se mouler sur les cristaux de quartz en occupant la place qu’ils daignent leur laisser.
A ce stade de leur vie, les quartz qui viennent de naître, qu’ils soient automorphes ou xénomorphes, sont protégés de toute agression extérieure au sein de la roche qui les a vus naître, et qu’on appelle la roche mère. Ils conservent encore intacts tous les caractères acquis lors de leur naissance : taille, forme, inclusions et aspect.
Mais les meilleures choses ont une fin, même pour un quartz. Car à mesure que la roche mère affleure la surface, elle va être soumise à une altération de plus en plus agressive.

L’ALTERATION DE LA ROCHE MERE

Peu à peu, les eaux de pluie, la rosée, le gel et divers agents agressifs tels que les acides produits par les lichens, les plantes et les bactéries, vont altérer de plus en plus profondément la roche mère. Les eaux riches en agents agresseurs circulent depuis la surface à travers la roche mère.

Lichens Bactéries x 10.000

Photo 13 : Lichens / Photo 14 : Bactéries x 10.000

 

D’abord fortement sous-saturés en silice dissoute, les fluides qui circulent dans les pores vont corroder les cristaux de quartz eux-mêmes. Ces premières attaques, purement chimiques, vont marquer leur surface de blessures dont leur mémoire gardera longtemps les traces : ainsi, des triangles en creux, dont la géométrie traduit le parfait ordonnancement de l’édifice cristallin du quartz, sont-ils les fantômes de molécules de silice disparues, rongées par la corrosion. Ce sont les figures de dissolution (EX 15 et 16).

Figures de dissolution Figures de dissolution

Photo 15 et Photo 16 : Figures de dissolution

 

Puis, à mesure que les fluides corrosifs descendent et s’infiltrent profondément dans la roche, ils s’enrichissent en silice qu’ils dissolvent en quantité de plus en plus abondante, jusqu’à en devenir gorgés. Ils « recrachent » alors celle-ci sous forme de dépôts de silice amorphe en forme de globules, en pellicules écailleuses ou en magnifiques fleurs de silice (EX 17 et 18).

Fleurs de silice Fleurs de silice x 20.000

Photo 17 : Fleurs de silice / Photo 18 : Fleurs de silice x 20.000

 

LES PREMIERS PAS

Sous l’influence de ces attaques chimiques, le roche mère perd sa cohésion et se désagrège peu à peu en libérant une fraction de ses minéraux constitutifs sous forme de grains de sable ; ceux-ci forment ce qu’on appelle une arène, c’est-à-dire, dans le cas d’un granite, un mélange de cristaux de feldspath, de quartz et de mica. Sous l’effet de la pluie, du gel et de la dissolution, les éléments les plus fragiles et les plus solubles vont disparaître, mais les cristaux les plus résistants – les quartz – vont subsister.
L’épaisseur de l’arène peut être très importante et donner naissance à un sol plus ou moins épais.
A ce stade, les grains n’ont encore connu aucune forme de transport et sont totalement immobilisés. Les seuls mouvements auxquels ils sont éventuellement soumis sont dus à l’action de la population des sols, tels que vers de terre et fourmis.
Puis, emportés par la pluie, l’arène ou le sol vont être désagrégés et les quartz libérés aboutissent un jour dans un ruisseau qui les conduit à une rivière où ils commencent leur véritable vie de grain de sable.

LA GLACE

Sous climat froid, les grains peuvent être soumis aux influences glaciaires. Violemment pressés les uns contre les autres, ils vont alors être affectés de figures de broyage, dont la morphologie caractéristique (EX 19) traduit une pression accompagnée d’un mouvement circulaire.

Trace de broyage

Photo 19 : Trace de broyage

 

RIVIERES, FLEUVES, ETANGS ET LACS

L’eau douce, qu’il s’agisse de celle des rivières, des torrents, des lacs ou des étangs, contient une concentration moyenne en silice dissoute de vingt milligrammes par litre, ce qui signifie qu’elle est sous-saturée par rapport à la silice amorphe (qu’elle va donc dissoudre), mais pas par rapport au quartz (qu’elle ne pourra pas dissoudre).
Le principal agresseur des cristaux de quartz est donc le transport, au cours duquel ils sont frottés les uns contre les autres. Les parties les plus exposées sont évidemment les arêtes des grains, qui sont affectées de traces de choc à gradient de polissage, ce qui signifie que les plus récentes présentent des contours anguleux et les plus anciennes des contours émoussés, toutes les variantes existant entre ces deux extrêmes. Ces traces sont évidemment d’autant plus grands et nombreux que l’énergie du transport est élevée.
La figure suivante montre une trace ancienne très polie en (1), une trace très récente en (3) et une trace d’âge intermédiaire en (2).

Chocs à gradient de polissage

Photo 20 : Chocs à gradient de polissage

 

Le frottement des grains les uns contre les autres conduit évidemment à une arrondissement progressif de leurs arêtes les plus saillantes.
La figure suivante montre des diatomées fluviatiles cimentées sur les faces planes et dans les dépressions par des dépôts de silice amorphe et des arêtes propres affectées de traces de choc à gradient de polissage.

Grain fluviatile

Photo 21 : Grain fluviatile

 

Dans les lacs et les étangs, milieux de très basse énergie, les grains ne sont pas brassés, mais au contraire peuvent être tapissés d’argile.

Argile x 10.000

Photo 22 : Argile x 10.000

 

Plus ou moins vite selon l’énergie du transport, notre grain s’en va ensuite vers la mer et arrive sur une plage.

LES PLAGES MARINES

L’eau de mer, contrairement à l’eau douce, est sous-saturée non seulement en silice amorphe, mais même en quartz ; en effet, sa concentration en silice dissoute est très basse : en moyenne, elle est inférieure à un milligramme par litre avec un maximum de quatre milligrammes par litre. Les parties de l’océan ayant les concentrations les plus élevées en silice dissoute sont donc légèrement sous-saturées en ce qui concerne le quartz, mais n’atteignent que le dixième de saturation par rapport à la silice amorphe.
Les plages marines sont caractérisées par les alternances de hautes et de basses mers : c’est ce qu’on appelle la zone intertidale ou zone de battement de marée.
Lors des hautes mers, les sables se trouvent donc immergés dans l’eau de mer, très sous-saturée en silice dissoute, et soumis en même temps à un brassage plus ou moins violent selon l’énergie des vagues.
Leurs arêtes vont donc être affectées, comme dans les rivières, par des traces de choc à gradient de polissage, mais un autre phénomène apparaît : l’eau de mer va ronger les traces de choc, qui vont être exploitées par des figures de dissolution identiques à celles que nous avons rencontrées dans les milieux pédologiques, à la différence près qu’au lieu d’une localisation anarchique due à l’immobilisation des grains, elles sont localisées sur les arêtes de ceux-ci.
Lors des basses mers, les grains se trouvent exposés à l’air libre. Or, leur surface n’est généralement pas lisse. Des dépressions plus ou moins profondes l’affectent, dans lesquelles stagnent de minuscules gouttes d’eau de mer : à l’échelle des micro-organismes, celles-ci représentent de véritables étangs salés où peuvent vivre diatomées et bactéries. L’évaporation progressive de l’eau, alors que la quantité de silice qu’elle contient reste évidemment la même, provoque une sursaturation en silice dissoute, laquelle précipite sous forme de dépôts globuleux. Ceux-ci vont emprisonner les micro-organismes qui vivaient dans les dépressions et les recouvrir peu à peu.

Diatomées Diatomée x 10.000

Photo 23 : Diatomées / Photo 24 : Diatomée x 10.000

 

LE VENT

Lorsque le vent souffle lors des basses mers, les grains qui sont émergés se trouvent soumis au phénomène d’éolisation, c’est-à-dire à l’influence du vent.
Cette fois, aucune pellicule d’eau n’entoure les grains pour amortir les chocs, et les traces qui résultent du contact brutal des grains entre eux présentent une morphologie caractéristique : il s’agit, selon la violence des impacts, soit de V de choc, soit de croissants de choc, qui, lorsqu’ils sont fraîchement formés, ont toujours des bordures très anguleuses. Celle-ci ne seront polies que si les grains retournent à la mer et sont à nouveau brassés dans l’eau.

Traces de choc éoliennes

Photo 25 : Traces de choc éoliennes

 

Dans le cas contraire, les grains poussés vers la terre s’accumuleront en formant des dunes littorales qui dominent les plages. Là, il arrive que le sel (chlorure de sodium) provoque la formation de fleurs de silice orthogonales.

Fleur orthogonale

Photo 26 : Fleur orthogonale

 

LE MILIEU SOUS-MARIN

Le milieu sous-marin (ou milieu infratidal) est celui que la mer ne découvre jamais, et qui s’étend depuis le niveau des plus basses mers de grandes marées jusqu’aux profondeurs abyssales.
Dans cet environnement, les grains sont constamment baignés par la mer, dont on sait qu’elle est sous-saturée non seulement en silice amorphe, mais même en quartz.
Les grains seront donc progressivement nettoyés de tous les dépôts siliceux qui les recouvrent, leur surface deviendra très propre, puis le quartz lui-même sera attaqué, faisant apparaître à nouveau des figures de dissolution qui, peu à peu, gagneront le grain entier en creusant les traces de choc héritées des épisodes sédimentaires antérieurs : ainsi la figure suivante montre-t-elle des croissants de choc éoliens exploitées par la dissolution, sur lesquels apparaissent les figures triangulaires en creux caractéristiques de celle-ci.

Croissants et dissolution

Photo 27 : Croissants et dissolution

 

La figure suivante montre un grain en cours de décapage sur lequel les diatomées sont en voie de dissolution.

Inter Infratidal

Photo 28 : Inter Infratidal

 

SI LE GRAIN NE MEURT…

Il arrive que les quartz marquent des haltes au cours de leurs voyages. C’est notamment le cas lorsqu’ils se sédimentent dans des environnements de très basse énergie tels que les marécages.
Là règnent des conditions physico-chimiques et organiques très particulières qui feront apparaître sur les grains des micro-cristaux variés, tandis que des argiles, piégées entre les aspérités de ces derniers, tapisseront leur surface.

Argiles x 10.000

Photo 29 : Argiles x 10.000

 

(photo « 29-argiles »)

Lorsque de telles haltes se prolongent – elles peuvent durer des millions d’années -, on assiste parfois à une véritable régénération du grain. Car dans l’épaisseur de la formation sableuse immobilisée circulent en effet des fluides qui peuvent être très riches en silice dissoute. Celle-ci, en précipitant par endroits, va provoquer la naissance de minuscules cristaux de quartz sur les grains. Peu à peu, ces mini-cristaux s’étendront jusqu’à englober la totalité du support ; les grains de sable vont alors être cimentés les uns aux autres. C’est ce phénomène qui provoque la formation de grès, que l’on peut trouver en surface (tels les grès de Fontainebleau) ou à grande profondeur (tels les grès diagénétiques, qui sont parfois des réservoirs de pétrole).
La photographie ci-dessous montre une plage actuelle, et la suivante une plage fossile, où le sable meuble a été transformé en grès.

Plage actuelle Plage fossile

Photo 30 : Plage actuelle / Photo 31 : Plage fossile

 

Lorsque ces roches seront soumises à l’altération, par suite de changements climatiques ou à cause de l’érosion, et que celle-ci aura désagrégé le grès, celui-ci libérera des grains entièrement régénérés. Des cristaux tout neufs masqueront les vieilles cicatrices.

Et ces grains sans mémoire, apparemment vierges de toute vie antérieure, recommenceront leurs tribulations éternelles.

A LA RECHERCHE DU TEMPS PASSE

L’étude des sables de la Caune de l’Arago est un excellent exemple d’application de l’exoscopie.
Le très joli village de Tautavel est célèbre par ses délicieux vins muscat. Mais il compte aussi une grotte (la Caune de l’Arago), signalée par le naturaliste Marcel de Serres dès 1838, puis redécouverte en 1948 par Jean Abelanetj, qui y observa des restes d’industries préhistoriques. De 1948 à 1962, des amateurs régionaux entreprirent des recherches, et, à partir de 1964, Henry de Lumley organisa chaque année au cours de l’été des campagnes de fouilles.
Le premier crâne humain fut découvert le 22 juillet 1971. Il s’agissait d’un Homo erectus vieux d’environ 450.000 ans. Plusieurs autres et de nombreux ossements furent exhumés par la suite.
Pour tenter de déterminer dans quel environnement évoluait l’Homme de Tautavel, toutes les méthodes scientifiques furent mises en oeuvre, et notamment l’exoscopie.
Sur les grains de la Caune de l’Arago, on retrouve les traces de leur altération, suivie d’un long transport fluviatile, puis d’une exondation suivie d’une reprise éolienne en climat aride. Les sables furent ensuite remanié par un fleuve qui les abandonna. Puis les alluvions furent soumis à d’importants phénomènes pédogénétiques suivis d’une violente reprise éolienne qui les déposa à l’entrée de la grotte, à l’intérieur de laquelle certains pénétrèrent sous l’action du ruissellement.
Voici cette histoire retracée par les très jolis dessins d’Alain Fournier sur l’histoire d’un grain de quartz de la Caune de l’Arago (9) .

l'histoire d'un grain de quartz - Episode 1 l'histoire d'un grain de quartz - Episode 2 l'histoire d'un grain de quartz - Episode 3 l'histoire d'un grain de quartz - Episode 4

l'histoire d'un grain de quartz - Episode 5 l'histoire d'un grain de quartz - Episode 6 l'histoire d'un grain de quartz - Episode 7

 

(1) Document extrait de la plaquette La microscopie électronique et ses applications publiée en association par le C.A.R.M.E. et le B.R.G.M. d’Orléans en 1981
(2) Document extrait de la plaquette La microscopie électronique et ses applications publiée en association par le C.A.R.M.E. et le B.R.G.M. d’Orléans en 1981
(3) du grec exô (en dehors) et skopein (regarder) (L. Le Ribault, 1973)
(4) Exemples : pression, température, etc.
(5) Exemples : concentration de l’eau en silice dissoute, présence d’hydroxydes de fer, etc.
(6) Exemples : chocs éoliens ou subaquatiques, frottements, phénomènes de broyage, etc.
(7) Exemples : bactéries, diatomées, etc.
(8) Granite avec un « e » final, pour le distinguer du granit (sans « e » final), pierre simplement dure et polissable utilisée par les marbriers, quelle que soit sa nature.
(9) Revue Les dossiers de l’archéologie, n° 36, juillet 1979

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